Les principales mesures de la loi marché du travail
La loi Marché du travail publiée en décembre 2022 (loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022) a entériné plusieurs mesures sociales.
AGRUME vous propose de revenir sur les concepts adoptés et d’aborder les éventuelles évolutions.
Le Conseil constitutionnel a validé le 15 décembre 2022 la loi Marché du travail. Définitivement adoptée le 17 novembre dernier, la loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein-emploi a été publiée au Journal officiel du 22 décembre 2022, sans modification.
Agrume vous propose de passer en revue les principales mesures de la loi Marché du travail :
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1/ Présomption de démission en cas d’abandon de poste
A. Ce que la loi prévoit
La loi Marché du travail a instauré une présomption simple de démission en cas d’abandon de poste dont les modalités de mise en œuvre ont été fixées par décret du 17 avril 2023 (décret n°2023-275).
Un employeur confronté à l’abandon volontaire de son poste par un salarié (sous contrat à durée indéterminée) pourra, par lettre recommandée ou lettre remise en main propre contre-décharge, le mettre en demeure de justifier son absence et de reprendre le travail. S’il ne revient pas travailler dans le délai fixé par son employeur, le salarié sera présumé démissionnaire.
Conformément à ce que prévoit le Code du travail (art. R. 1237-13), ce délai ne peut être inférieur à 15 jours, lequel commence à courir à compter de la date de première présentation du courrier.
Le Ministère du Travail a notamment eu l’occasion d’apporter un certain nombre de précisions dans un format questions/réponses.
Par conséquent, ce délai de 15 jours doit s’entendre comme un délai de 15 jours calendaires (week-ends et jours fériés compris).
De plus, le courrier de mise en demeure doit aussi indiquer qu’à l’issue de ce délai de 15 jours, si le salarié n’a pas repris son poste, il sera présumé démissionnaire, avec l’obligation de respecter un préavis. Il est possible de préciser dans le courrier qu’une telle présomption sera privative du droit aux allocations chômage.
Le salarié peut se prévaloir d’un motif légitime qui fera obstacle à la présomption de démission, un motif qu’il indiquera dans un courrier en réponse à la mise en demeure : des raisons médicales, la modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur, l’exercice du droit de retrait, …
En cas de réponse du salarié à l’appui d’un motif légitime, la procédure doit être interrompue. Dans le cas contraire et en l’absence de retour du salarié à son poste, la démission prendra effet à la date de reprise du travail fixée par l’employeur et le préavis démarrera à cette date limite à laquelle le salarié est censé reprendre le travail.
Le salarié a la possibilité de contester le bien-fondé de cette présomption, en saisissant le Conseil de Prud’hommes, qui statuera dans le délai de 1 mois à compter de sa saisine.
Est-ce que la présomption de démission marque la fin du droit pour l’employeur de licencier le salarié pour abandon de poste ?
Le doute était permis avec le positionnement adopté dans le questions/réponses : il était indiqué que l’employeur n’avait plus vocation à entamer une procédure de licenciement pour abandon de poste, consacrant donc l’exclusivité de la présomption de démission dans ce cadre-là.
Cette prise de position a suscité de nombreuses réactions, conduisant le Ministère du Travail a retiré son questions/réponses, sans pour autant prendre position.
Le Conseil d’État a été saisi pour avis.
Point de vigilance : et qu’en est-il pour les salariés protégés ? Est-ce que la présomption de démission leur est applicable ?
La loi Marché du travail instaure une présomption simple de démission en cas d’abandon de poste, dont les modalités de mise en œuvre seront fixées par décret.
Un employeur confronté à l’abandon volontaire de son poste par un salarié pourra, par lettre recommandée ou lettre remise en main propre contre-décharge, le mettre en demeure de justifier son absence et de reprendre le travail. S’il ne revient pas travailler dans le délai fixé par son employeur, le salarié sera présumé démissionnaire. Il pourra contester la rupture de son contrat de travail auprès du conseil de prud’hommes qui se prononcera sur la nature de la rupture et les conséquences associées, dans un délai d’un mois.
B. La décision du Conseil Constitutionnel
Le Conseil constitutionnel estime que la présomption de démission en cas d’abandon de poste ne méconnaît aucune exigence constitutionnelle, bien qu’elle puisse avoir un impact sur le droit d’obtenir un emploi et l’existence d’un régime d’indemnisation des travailleurs privés d’emploi garantis par le préambule de la Loi.
Pour justifier sa décision, le Conseil constitutionnel relève que, selon le nouvel article L. 1237-1-1 du Code du travail :
La présomption de démission ne s’applique pas lorsque l’abandon de poste est justifié par un motif légitime (raisons médicales, exercice du droit de grève ou du droit de retrait, etc.) ;
Le salarié doit être mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste dans un délai déterminé ;
La présomption d’abandon de poste peut être renversée devant le Conseil de prud’hommes
La présomption de démission n’institue aucune différence de traitement. Il n’y a donc aucune atteinte au principe d’égalité devant la loi.
(Source : Décision n°2022-844 DC du 15 décembre 2022)
2. Suppression de l’assurance chômage en cas de refus de deux CDI
A. Ce que prévoit la loi
Par décret du 28 décembre 2023 (n° 2023-1307), un nouveau cas de suppression des allocations chômage a été consacré, dès lors qu’un salarié refuse deux propositions d’embauche en contrat à durée indéterminée (CDI) à l’issue d’un CDD ou d’un contrat d’intérim.
Depuis le 1ᵉʳ janvier 2024, l’employeur qui souhaite recruter un salarié en CDI à l’issue d’un CDD ou d’un contrat de mission (intérim), doit en faire la proposition écrite directement au salarié (par tout moyen conférant date certaine), avant le terme du contrat en cours, en lui laissant un délai de réflexion raisonnable.
En cas de refus (ou d’absence de réponse de la part du salarié), l’employeur doit en informer France Travail, par voie dématérialisée, dans le délai de 1 mois. Voir Source
Par arrêté du 3 janvier 2024, certaines précisions ont été apportées.
L’employeur informera France travail dès lors que le salarié refuse une proposition de poste en CDI portant sur le même emploi occupé ou un emploi similaire, assorti d’une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification et tout cela sans changer de lieu de travail (C. trav. art. L. 1243-11-1).
De même, à l’issue d’un contrat de mission, le refus d’un CDI portant sur un même emploi (ou emploi similaire), sans changement de lieu de travail, conduira à une information directement auprès des services de France Travail (C. trav. art. L. 1251-33-1).
NB : l’absence de déclaration par l’employeur n’est pas assortie de sanction spécifique à ce jour.
Ceci implique, pour le salarié, la suppression du bénéfice de l’assurance chômage, dès lors qu’il refuse une proposition en CDI, à 2 reprises au cours des 12 mois précédents (C. trav. art. L. 5422-1).
Il existe deux exceptions à ce principe, expressément prévues dans la loi (C. trav. art. L. 5422-1, version en vigueur au 1ᵉʳ janvier 2025).
Est-ce que le dispositif a été explicitement introduit dans le règlement d’assurance chômage ?
Actualité sur la réforme de l’assurance chômage : à la suite des résultats des élections législatives de cet été, l’ancien gouvernement a décidé de suspendre la réforme qui était en cours sur l’assurance chômage. Un décret a donc prorogé, jusqu’au 31 octobre 2024, les règles d’indemnisation qui arrivaient normalement à échéance le 31 juillet.
Reste à savoir ce que le nouveau gouvernement décidera à propos de cette nouvelle réforme.
Lorsqu’un salarié aura reçu, au cours des 12 mois précédents, au moins deux propositions de CDI à l’issue d’un CDD ou d’un contrat d’intérim pour le même emploi ou un emploi similaire, le bénéfice de l’assurance chômage ne pourra lui être ouvert que s’il a été employé dans le cadre d’un CDI au cours de la même période. Toutefois, il ne sera pas exclu de l’assurance chômage lorsque la dernière proposition de CDI qui lui a été adressée n’est pas conforme au projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE) qu’il a défini avec son conseiller Pôle emploi.
Les articles L. 1243-11-1 et L. 1251-33 du Code du travail prévoient que l’employeur ou l’entreprise utilisatrice devra informer Pôle emploi du refus d’un salarié de poursuivre la relation contractuelle après l’échéance du terme du contrat de travail temporaire sous la forme d’un CDI en justifiant du caractère similaire de l’emploi proposé.
Les modalités d’application de ces mesures seront précisées par décrets.
B. La décision du Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel considère que cette mesure ne fait pas peser sur les demandeurs d’emploi une contrainte excessive ou ne créé pas une différence de traitement injustifiée entre demandeurs d’emploi.
Le Conseil constitutionnel a justifié sa position par :
⇾ L’objectif d’intérêt général de lutter contre la précarité résultant de l’embauche dans le cadre de CDD ou de missions d’intérim.
⇾ Les différentes conditions et limites posées par la loi Marché du travail à l’application du nouveau dispositif telles que :
– La période de référence de 12 mois
– La prise en compte des seules propositions de CDI pour occuper un même emploi ou un emploi similaire
– La non-application aux salariés ayant travaillé en CDI pendant la période de référence
– La non-application aux salariés ayant reçu une dernière offre de CDI non conforme à leur projet personnalisé d’accès à l’emploi
3. Autorisation temporaire de détermination des règles de l’assurance chômage par décret
A. Ce que prévoit la loi
Les dispositions d’application du régime d’assurance chômage peuvent être fixées par décret en Conseil d’État depuis le 1ᵉʳ novembre 2022.
Ces règles seront alors applicables jusqu’à une date qui sera fixée par décret, et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2023.
Lors de l’examen parlementaire de la loi, un premier décret n°2022-1347 a prolongé à l’identique jusqu’au 31 janvier 2023 les règles d’assurance chômage qui expiraient le 1ᵉʳ novembre dernier.
Un second décret, pris en application de la loi Marché du travail fixera les règles applicables jusqu’à la fin de l’année 2023, en intégrant un dispositif de modulation de la durée d’indemnisation en fonction de la conjoncture, comme nous vous l’avions expliqué dans notre fiche pratique “assurance chômage” du lundi 5 décembre.
Les mesures d’application du bonus-malus sur la contribution patronale d’assurance chômage, entrées en vigueur le 1ᵉʳ septembre dernier, et applicables jusqu’au 31 janvier 2023, pourront être prolongées jusqu’au 31 août 2024 par le décret annoncé.
Le décret précisera notamment les périodes de mise en œuvre de la modulation et de prise en compte des fins de contrat pour le calcul du taux modulé.
Enfin, la loi prévoit la transmission aux employeurs par les organismes de recouvrement, des données personnelles ayant permis le calcul de la modulation.
Le gouvernement doit aussi engager une concertation et une négociation avec les partenaires sociaux sur la gouvernance de l’assurance chômage.
B. La décision du Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel considère que la loi Marché du travail peut tout à fait habiliter le gouvernement à fixer lui-même les règles relatives à l’assurance chômage sans être limité par le législateur sur l’objet ou la portée des dispositions que pourrait contenir le décret.
4. Assurance chômage : la durée d’indemnisation pourrait être renforcée
Il a été annoncé dans la presse qu’un projet de décret a été transmis à la CNNCEFP (Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle) le 22 décembre dernier.
Ce Projet de décret prévoyait qu’à compter du 1ᵉʳ février 2023, la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi ouvrant des droits à l’assurance chômage devait être réduite de 25 % et pouvait même l’être de 40 % si le taux de chômage passait sous la barre des 6 %. Elisabeth Borne a annoncé sur France Info le 03 janvier 2023 retirer cette dernière mesure controversée.
Ce texte organiserait aussi la prolongation des mesures d’application du bonus-malus sur la contribution patronale d’assurance chômage jusqu’au 31 août 2024. Le taux de l’aide à la reprise ou à la création d’entreprise serait en outre porté de 45 % à 60 % à compter du 1ᵉʳ juillet.
5. Élections professionnelles : Le corps électoral dans les entreprises
Les articles du Code du travail relatifs aux conditions d’électorat et d’éligibilité appréciées dans le cadre des élections professionnelles pour la désignation du CSE, ont fait l’objet d’une mise à jour.
En effet, l’article détaillant les conditions pour être électeur (C. trav. art. L. 2314-18) a été remanié, ce qui a pour conséquence, depuis, de donner la qualité d’électeur aux salariés qui disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise ou qui le représentent effectivement devant le comité social et économique sont électeurs.
Mais s’agissant de ces salariés qui disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise ou qui le représentent effectivement devant le CSE, ils ne peuvent pas être candidats aux élections professionnelles (C. trav. art. L. 2314-19).
La loi modifie le Code du travail qui définit les conditions pour être électeur aux élections professionnelles permettant notamment de désigner les représentants des salariés dans les comités sociaux et économiques (CSE).
Les salariés qui disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise ou qui le représentent effectivement devant le comité social et économique sont électeurs.
(C. trav. Art. L. 2314-8 du code du travail modifié)
6. Le CDD de remplacement
La loi Marché du travail a renouvelé l’expérimentation du CDD dit “multi-emplacement”, en accordant le droit, dans des secteurs expressément visés, de conclure un seul CDD (ou un seul contrat de mission), pour remplacer plusieurs salariés absents, et ce, de façon simultanée ou de façon successive.
L’expérimentation est actuellement valable jusqu’au 13 avril 2025.
Deux décrets fixent la liste des secteurs au sein desquels il est possible de recourir à ce type de contrat (décret n°2023-262, 12 avril 2023, JO 13 avril 2024 et décret n°2024-533, 10 juin 2024, JO 12 juin 2024).
Un questions/réponses a été publié par le Ministère du travail, le 13 avril 2023 : https://travail-emploi.gouv.fr/cdd-multi-remplacement-relance-de-lexperimentation-questions-reponses.
À titre expérimental et par dérogation au 1° des articles L. 1242-2 et L. 1251-6 du Code du travail, dans les secteurs qui seront définis par décret, un seul contrat à durée déterminée ou un seul contrat de mission peut être conclu pour remplacer plusieurs salariés.
L’expérimentation ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
La durée de l’expérimentation est de deux ans à compter de la publication du décret mentionné ci-dessus.
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